La nuit des pères • Gaëlle Josse

Ce n’est pas ma première rencontre avec Gaëlle Josse puisque j’ai lu « Les heures silencieuses » en 2019 qui ne m’avait pas embarquée. A l’occasion de cette rentrée littéraire, j’ai accepté avec plaisir de la relire avec ce texte qui semblait plein de promesses. Il est en librairie depuis le 18 août dernier.

Résumé …

Appelée par son frère Olivier, Isabelle rejoint le village des Alpes où ils sont nés. La santé de leur père, ancien guide de montagne, décline, il entre dans les brumes de l’oubli. Après de longues années d’absence, elle appréhende ce retour. C’est l’ultime possibilité, peut-être, de comprendre qui était ce père si destructeur, si difficile à aimer. Entre eux trois, pendant quelques jours, l’histoire familiale va se nouer et se dénouer. Sur eux, comme le vol des aigles au-dessus des sommets que ce père aimait par-dessus tout, plane l’ombre de la grande Histoire, du poison qu’elle infuse dans le sang par-delà les générations murées dans le silence. Les voix de cette famille meurtrie se succèdent pour dire l’ambivalence des sentiments filiaux et les violences invisibles, ces déchirures qui poursuivent un homme jusqu’à son crépuscule.

Mon avis …

Quand son frère l’appelle pour lui annoncer que leur père ne va pas bien, que sa mémoire s’envole petit à petit, qu’il faudrait qu’elle vienne le rejoindre, l’aider, c’est évidemment un choc. Car arrive l’heure de prendre des décisions à la place de ses parents, quand ils ne sont plus capables de le faire eux-mêmes. Ce rôle qu’on ne s’attend jamais à devoir vivre et qui est pourtant quasiment inévitable, qui va avec la vieillesse et le temps qui passe.

« En toi les mots chutent et se fissurent, les visages s’évanouissent, le temps se décolore, tu sais ta déroute et tu sais qu’elle est sans retour. »

Ce chemin vers sa maison d’enfance va la replonger dans ses souvenirs oubliés, ceux qu’elle a préféré enfouir. Cette annonce va faire remonter à la surface tout ce qu’elle n’a jamais compris, et l’ambiguïté de cet homme. Ce père qu’elle n’a jamais connu heureux, qui était toujours en colère, qui lui donnait l’impression de n’être pas assez. Quand la famille est une souffrance, mieux vaut s’en éloigner. Alors, Isabelle est partie, construire sa vie ailleurs, loin de cette maison qui héberge encore toute ses peines d’enfant. Loin de ce père qui n’a jamais su l’aimer.

« Un jour ou l’autre, il faut bien arrêter de fuir. »

Ces retrouvailles vont être comme une plongée dans le passé, tout en essayant de renouer avec des liens défaits. En voyant son père s’effacer, c’est aussi une quête de réponses qu’elle va entamer. Pour enfin accepter tous ces souvenirs qui vont la submerger. Toutes ces fêlures de son cœur qui n’ont jamais cicatrisé. Tous ces instants de bascule, parfois quelques secondes, ces mots, ces gestes, ces phrases, ces absences, ces humiliations, qui sont restées toutes ces années en elles. On se construit à travers les yeux de nos parents, et quand ils sombrent et disparaissent, c’est toute notre être et notre identité qui en sont bousculés.

« Nous le savons tous les deux que ça ne veut rien dire, faire son deuil, que c’est une expression pour les magazines, on continue à marcher avec nos morts sur les épaules, avec nos ombres, et rien d’autre. Nous le savons que, chaque matin, il faut se rassembler, se lever, se mettre en marche, quoi qu’il en coûte. Que la douleur est un archipel dont on n’a jamais fini d’explorer les passes et les courants. Qu’elle est inépuisable. Lente, féroce et patiente comme un fauve. »

La fin du roman m’a énormément émue, et tous les messages qu’il porte en lui également. Chaque être humain est un jardin que nous ne perçons parfois jamais vraiment, et c’est aussi tout le mystère des liens humains. L’écriture de Gaëlle Josse est toujours belle, dénuée de dialogues, toute en introspection. J’ai été émue par la douceur de ce texte, par sa pudeur à raconter des émotions pourtant si fortes et violentes. Elle nous transporte dans des détails qui pourraient paraître insignifiants, mais qui au contraire renferment l’essentiel, et qui font que ce roman saura parler à chacun d’entre nous, car nous y retrouvons des lieux, des objets, des sensations, que nous avons tous connus. Il est difficile de mettre les mots sur ce qu’il y a de plus intime, et quand on touche à la thématique de la famille, c’est à la fois universel et insaisissable. Gaëlle Josse est une autrice de talent qui sait nommer l’innommable, et ce roman m’a émue, beaucoup.

Pour résumer …

Connait-on jamais vraiment ses parents ? C’est la question que pose ce roman de Gaëlle Josse en faisait revivre avec pudeur et douceur les blessures d’enfance et les liens fissurés d’un père avec ses enfants. Un très beau roman qui résonne dans l’intimité de chacun de nous.

Ma note : ★★★★★☆
(16/20)

Cet article est sponsorisé.

5 réflexions sur “La nuit des pères • Gaëlle Josse

  1. Il y a des sujets qui font écho et/ou font remonter à la surface certains stigmates et ce résumé malgré un charme certain, ne fera pas partie de mes choix de lecture. Cela ne m’empêche pas d’apprécier et de lire avec toujours autant d’intérêt tes chroniques… Belle journée à toi ☼

  2. Le sujet universel de ce livre mais surtout la manière sensible et délicate dont vous en parlez me séduisent.
    Ca sera le prochain livre sur ma table de chevet. Merci beaucoup pour vos partages et votre fine écriture.
    Longue vie à votre blog.
    Bien livresquement 😊
    Anna

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