Trois mois sous silence • Judith Aquien

Je lis peu d’essais mais certains me semblent indispensables. J’ai donc acheté ce livre à l’occasion de sa sortie en librairie et je l’ai lu quelques mois plus tard.

Résumé …

Pour 85% des femmes, les 3 premiers mois de la grossesse sont, par certains aspects, un enfer tant physique que psychologique : nausées, vomissements, fatigue extrême, état dépressif, peur de la fausse couche et, dans près de 20% des cas, fausse couche réelle… Alors que le début de grossesse est marqué par l’insécurité permanente d’un corps qui met tout en place pour accueillir la vie, rien ne doit transparaitre de l’état des femmes : elles sont invitées à prendre sur elles, au travers comme à la maison, et à taire ce qu’elles endurent. Ce livre dénonce la non-prise en charge des femmes pendant ce tiers de leur grossesse, à la faveur de l’injonction à ne pas en parler, et propose une lecture féministe de ce tabou systémique.

Mon avis …

Aux yeux de la société, la grossesse ne commence qu’après 3 mois. Vous êtes-vous déjà fait cette réflexion ? Avez-vous déjà côtoyé sur votre lieu de travail une femme enceinte pendant son premier trimestre de grossesse qui traverse nausées, fatigue, et mille autres maux qui justifieraient, pour toute autre raison, un arrêt maladie ? Cela nous semble normal depuis des décennies de cacher les grossesses lorsqu’elles débutent. Parce que tout est encore incertain, et qu’elle peut s’arrêter. Judith Aquien parle de ce postulat pour dénoncer l’invisibilisation des femmes dans l’espace public et la non prise en compte de leurs douleurs, de leurs corps, des étapes de leur vie, parce que la société est encore aujourd’hui faite pour s’adapter au corps des hommes.

Ce livre est un coup de coeur, évidemment. Il met les mots sur des vérités qu’on ne veut pas voir parce que la société s’est façonné autour d’elles. Mais il questionne véritablement sur la place des femmes, et il est révoltant. A travers des extraits d’ouvrages sur le sujet, des statistiques édifiantes, mais aussi de faits historiques, elle raconte comment les femmes se sont peu à peu effacées. Comment elles ont appris à ne rien dire de leurs menstruations, de leurs douleurs parfois insoutenables, de leurs vies sociales empêchées plusieurs jours par mois. Elles ont appris à cacher leur grossesse alors que le premier trimestre est sans doute le plus fragile, le plus difficile psychologiquement et physiquement. Et par extension, elle raconte l’absence d’accompagnement médical, psychologique et l’inexistence de ressources humaines adaptées aux femmes qui sont pourtant aussi nombreuses que les hommes sur le marché du travail.

En ignorant socialement et professionnellement le premier trimestre de grossesse, c’est aussi la double peine pour les femmes qui vivent des grossesses arrêtées. La solitude, l’absence d’accompagnement médical correct et notamment psychologique, la minimisation de ce drame et de ce deuil que vivent les couples. En assurant la non-représentation de ces épreuves douloureuses, c’est aussi la certitude de taire ce que traversent les femmes, en leur imposant le silence, alors même que les statistiques montrent qu’un grand nombre de femmes vivront une ou plusieurs grossesses arrêtées dans leur vie.

Pourquoi vouloir cacher et silencier le corps des femmes dans ce qu’il a de plus banal et de plus fréquent ? La prise en charge et la recherche médicale ne souhaitent pas réellement s’en emparer, et quand on voit les conditions de travail des sage-femmes et l’état des urgences et des maternités, on comprend également que la santé des femmes est loin d’être une priorité, alors que c’est par les femmes que naissent chaque être humain. Ce paradoxe est difficile à intégrer.

J’aurais pu vous partager tellement d’extraits, de citations, tellement ce livre est passionnant. Il s’attaque à des vérités fondamentales et pose de vraies questions. Judith Aquien fait partie de ces femmes engagées qui souhaitent faire changer la société, et j’espère que son livre saura planter quelques graines et contribuer à ce que nous construisions tous une société plus égalitaire où la femme aurait une véritable place, sans devoir perpétuellement cacher son corps et les étapes -parfois douloureuses- de sa vie.

Pour résumer …

Un coup de coeur, évidemment ! Ce livre soulève de nombreuses questions et vérités sur l’invisibilisation du corps des femmes et les douleurs qu’elles traversent. A lire absolument pour éveiller les esprits et lutter pour plus d’égalité.

Ma note : ★★★★★★
(20/20)

Une réflexion sur “Trois mois sous silence • Judith Aquien

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