Les hommes aussi s’en souviennent : Une loi pour l’histoire • Simone Veil et Annick Cojean

On connait tous Simone Veil, sa vie difficile et ses nombreux combats. Mais n’ayant pas vécu l’époque à laquelle son combat pour la légalisation de l’IVG a eu lieu, j’ai trouvé utile de m’offrir ce livre pour relire son discours à l’Assemblée Nationale en 1974.

Résumé …

Le 26 novembre 1974, Simone Veil, ministre de la Santé au gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing, présente son projet de loi sur l’interruption volontaire de grossesse devant l’Assemblée nationale. Les débats qui suivent révèlent à la France entière une personnalité courageuse et déterminée, défendant à la fois la dignité de la femme et l’intérêt de la nation, face à des parlementaires déchaînés, y compris dans son propre camp. Ce discours d’une force extraordinaire, republié dans le présent ouvrage, est accompagné d’un entretien avec Annick Cojean, journaliste au Monde, qui éclaire le contexte de l’époque et mesure l’évolution des mentalités. Un livre essentiel au moment où certains tentent de remettre en cause cette loi.

Mon avis …

Cet ouvrage comporte une préface par Annick Cojean, une journaliste dont j’aime toujours beaucoup lire les mots, et ceux-là m’ont particulièrement marquée car ils décrivent parfaitement l’importance de ce discours donné par Simone Veil des décennies plus tôt.

« Il fallait une personnalité exceptionnelle pour porter, défendre et faire voter une loi autorisant l’avortement en 1974. Il fallait une femme. De rigueur et de conviction. De courage et d’abnégation. Une femme portant très haut une exigence de morale et d’éthique. (…) Il fallait Simone Veil. C’est au Président Valéry Giscard d’Estaing qu’on doit cette idée lumineuse de lui confier cette mission. Elle l’accepta comme un honneur et un devoir. Elle savait l’espoir que ce projet de loi représentait pour des millions de femmes. Elle savait la détresse, elle savait la douleur. Le drame personnel noué à chaque avortement, les dégâts des opérations clandestines, 300 décès par an sans compter des milliers de mutilations. Elle savait l’injustice entre les riches, ayant accès aux soins d’une clinique privée en France ou à l’étranger, et les pauvres, perdues et mal informées, prêtes à n’importe quel périlleux recours. Elle savait le scandale sanitaire, le défi permanent à l’ordre public. »

Il y a des évènements fondateurs dans une vie humaine, et des droits qui nous semblent inhérents à notre condition-même. En tant que femme, je suis profondément attachée au droit à l’avortement qui est, à mes yeux, indispensable. Et j’ai conscience que ce droit, comme tant d’autres, peut si facilement nous être retiré. Toutes les femmes sont concernées, qu’elles y aient recours ou non. Et c’est grâce à une femme comme Simone Veil que ce droit est le nôtre aujourd’hui.

« Ces femmes, ce ne sont pas nécessairement les plus immorales ou les plus inconscientes. Elles sont 300 000 chaque année. Ce sont celles que nous côtoyons chaque jour et dont nous ignorons la plupart du temps la détresse et les drames. »

La force de Simone Veil, c’est d’avoir défendu ce droit face à une Assemblée composée d’hommes. C’est d’avoir su trouver les mots pour expliquer les réalités derrière l’avortement. Les réalités humaines, sociales, médicales. Le profond décalage entre la législation et la pénalisation de cet acte et les réalités de terrain, la détresse des femmes, l’impossibilité de lutter contre un avortement clandestin.

« Aucune femme ne recourt de gaieté de coeur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame. »

Face à ces hommes, c’est avec pédagogie que Simone Veil met des mots justes sur la maternité, sur les réalités de cette dernière et des situations de chaque femme. Elle démontre que légaliser l’avortement n’est pas l’encourager, mais simplement être en accord avec une situation de fait. C’est également justifier qu’avorter n’est pas synonyme d’homicide, en rappelant les réalités de la grossesse et les statistiques souvent méconnues.

« Faut-il rappeler que, selon les études de l’Organisation mondiale de la santé, sur cent conceptions, quarante-cinq s’interrompent d’elles-mêmes au cours des deux premières semaines et que, sur cent grossesses au début de la troisième semaine, un quart n’arrive pas à terme, du seul fait de phénomènes naturels ? »

On peut facilement retrouver ce discours en vidéo, sur internet, mais il me semblait important de l’avoir imprimé, dans ma bibliothèque, à l’image de l’importance qu’il a eu. Alors, certes, le relire en 2021 peut poser des questions. Certains passages m’ont dérangée, car la société a évidemment évolué sur de nombreux sujets depuis cette année 1974 et notre vision de la maternité et de l’avortement a également évolué, je le crois. Malgré tout, je sais faire preuve de recul. Je sais reconnaître que l’on évolue avec le temps, et que ce discours fut un très grand pas pour les droits des femmes. Je comprends aussi qu’il fallait tempérer les mots choisis pour que cette loi soit votée. Qu’on aurait certes pu aller plus loin, mais au risque que cette loi ne passe pas. Car c’est avec l’accord du plus grand nombre qu’elle serait votée, et diviser n’aurait été qu’une stratégie regrettable.

J’ai trouvé également ce texte très instructif sur l’époque à laquelle ce discours a été prononcé. J’avoue ne pas avoir su qu’il avait été énoncé dans un contexte où la natalité était en forte baisse et où tant l’avortement que la contraception étaient souvent considérés comme des menaces à la démographie et donc à l’avenir de la France. Lire cela aujourd’hui est assez surprenant, tant cela semble éloigné de notre vision actuelle des choses. On oublie également souvent que pendant si longtemps, les femmes avaient des enfants en grand nombre, sans les avoir désirés, car la contraception n’existait pas. J’ai également beaucoup appris concernant l’historique de l’avortement et de sa législation. Ce fut une lecture primordiale. Je crois, qu’en tant que femme, il est important de savoir ces choses-là. De réaliser qu’il y a quelques années encore, des femmes étaient tuées parce qu’elles avaient mis un terme à leur grossesse. De comprendre que la loi évolue encore aujourd’hui, en rendant ce droit de plus en plus accessible à toutes, sans condition de ressources financières, ou autre. Merci, Madame Veil, d’avoir parlé au nom des femmes et d’avoir contribué à faire évoluer la pensée et les droits des femmes.

Pour résumer …

Il est primordial, d’autant plus en tant que femme, de comprendre l’historique du droit à l’avortement, et les combats de Simone Veil et de tant d’autres femmes pour que ce droit pour accessible à toutes. J’ai beaucoup appris grâce à cette lecture.

Ma note : ★★★★★★
(18/20)

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