Les putes voilées n’iront jamais au paradis ! • Chahdortt Djavann

C’est lors de sa sortie en grand format il y a bientôt 2 ans que j’ai repéré ce livre. J’ai attendu sa sortie poche pour me le procurer, et je l’ai emmené lors de mon long week-end à Vienne.

Résumé …

Ce roman vrai, puissant à couper le souffle, fait alterner le destin parallèle de deux gamines extraordinairement belles, séparées à l’âge de douze ans, et les témoignages d’outre-tombe de prostituées assassinées, pendues, lapidées en Iran. Leurs voix authentiques, parfois crues et teintées d’humour noir, surprennent, choquent, bousculent préjugés et émotions, bouleversent. Ces femmes sont si vivantes qu’elles resteront à jamais dans notre mémoire. À travers ce voyage au bout de l’enfer des mollahs, on comprend le non-dit de la folie islamiste : la haine de la chair, du corps féminin et du plaisir. L’obsession mâle de la sexualité et la tartufferie de ceux qui célèbrent la mort en criant « Allah Akbar ! » pour mieux lui imputer leurs crimes. Ici, la frontière entre la réalité et la fiction est aussi fine qu’un cheveu de femme.

Mon avis …

Vu le sujet, je savais que je devais m’attendre à un livre difficile, violent, voire même dérangeant, et même si je m’y attendais, il faut croire que je ne m’étais pourtant pas suffisamment préparée. Tout commence avec les corps de différentes femmes retrouvés les uns après les autres dans les rues en Iran. Si personne ne sait qui sont ces femmes, ces « cadavres », tout le monde en conclut très vite, et sans aucun doute possible, que ce sont des prostituées, des « trainées ». Dans ce pays où la femme est considérée comme soumise et inférieure à l’homme, l’auteur va utiliser ce prisme des prostituées pour raconter la société iranienne, pour dénoncer aussi l’ignoble traitement des femmes dans ce pays.

Parallèlement à ces découvertes macabres qui entrainent des réactions des passants, à l’image des mentalités de la société iranienne, ce sont les femmes victimes elles-mêmes qui vont nous raconter leurs vies. Puisqu’elles n’ont pas eu droit à la parole, puisqu’on les a fait taire, parce qu’elles dérangeaient un système hypocrite, l’auteur choisit de leur redonner une voix, de leur permettre d’exprimer leurs pensées, leur sensualité, leurs désirs et leurs rêves. C’est à la moitié du livre que l’on réalise que ce texte est en réalité un essai, sous ses airs de romans.

L’écriture, les termes employés, les scènes décrites sont dures. Parce que la vie d’une femme en Iran est difficile, elle l’est sans doute plus encore lorsque cette dernière est prostituée. Ce texte est violent mais il est utile car il est engagé. Je ne vais pas mentir en disant que cette lecture a été plaisante, car ce fut bien souvent le contraire. J’avais hâte qu’elle se termine, car elle était par moments presque insupportable. Pourtant, ce genre de texte qui bouscule est je crois indispensable pour que les choses puissent changer. Même si j’aurais peut-être préféré parfois une écriture un peu moins crue, sans que cela ne l’empêche de dénoncer comme elle le fait. C’est très cru, très dur et tant d’horreurs sont difficiles à supporter, rien qu’à la lecture.

La prostitution en Iran est sanctionnée par la peine de mort. Si la femme qui se prostitue est mariée, elle sera lapidée. C’est toute l’hypocrisie d’une société qui est ici pointée du doigt. La femme ne doit pas montrer sa féminité, mais les hommes peuvent la violer, la frapper, l’agresser, sans jamais être menacés. Après tout, ce ne sont que des « putes ». Si la prostitution est interdite, elle n’a pourtant jamais été aussi importante en Iran, notamment du fait de la pauvreté grandissante au sein du pays. Ce texte est donc plus que jamais d’actualité, et nous fait prendre conscience du chemin à parcourir pour que les femmes soient enfin considérées comme égales aux hommes.

Pour résumer …

Sous ses airs de romans, ce texte est en réalité un essai qui dénonce, à travers le point de vue de prostituées, la condition de la femme en Iran et toute l’hypocrisie d’une société qui veut faire taire les femmes et les rendre invisible, tout en les violant et les tuant sans jamais aucune conséquence. Un texte important mais qui est très cru et dérangeant. Sa lecture est éprouvante.

Ma note : ★★★★☆☆
(13/20)

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6 réflexions sur “Les putes voilées n’iront jamais au paradis ! • Chahdortt Djavann

  1. Ce livre a l’air a la fois très intéressant et assez… traumatisant. J’espère avoir un jour le courage de le lire, je trouve en tout cas formidable d’en parler et de relayer l’information au sujet de cette problématique!

  2. J’ai vraiment envie de le lire ce livre ! Déjà, j’adore le titre, percutant, dérangeant presque poétique, et cette histoire très forte, je pense que ce sera mon prochain achat littéraire.
    Je comprends la difficulté qu’on peut avoir à lire certains livres à l’histoire rude et aux mots crus, je sais que pendant certaines lectures (je pense notamment au Quatrième Mur de Sorj Chalandon, que j’ai par ailleurs littéralement adoré), j’ai dû m’arrêter de lire car j’avais presque des haut-le-cœur face à l’horreur et le détail des descriptions.

  3. C’est un livre très dur, il m’a serré le cœur et l’estomac à de nombreuses reprises. Pourtant, il me semble vraiment indispensable de pouvoir lire ce genre d’ouvrage qui ouvre les yeux sur ces réalités.

  4. Il y a tellement d’hyprocrisie partout dans la culture, qui veut nous faire croire que le monde musulman est sain. Je pense que des bouquins de ce genre devraient paraître plus souvent, mais j’imagine en effet que sa lecture eut pu être éprouvante.

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