A chacune de ses parutions, je suis au rendez-vous pour les ouvrages de Mathilde Lemiesle, plus connue sur instagram avec le pseudo Mes Presques Riens. Une autrice illustratrice engagée que je soutiens depuis le début et dont le travail me touche toujours énormément.
Résumé ..
Une grossesse sur quatre se termine dans les trois premiers mois. Chaque année en France elles sont environ 200 000 à traverser cette épreuve. Derrière ces chiffres, il y a des femmes, des couples et bien souvent une grande solitude. Pourquoi ce silence ? Et comment lever le tabou dans une Société qui a tendance à minimiser ce phénomène ? Cette épreuve traumatique tant sur le plan psychique que physique reste un non-évènement. D’ailleurs, pourquoi parle-t-on de fausse couche alors qu’il s’agit bien d’une vraie grossesse ? Aussi bien dans le monde du travail, que dans la culture ou les médias, peu d’ouvrages abordent cette réalité : subir une fausse couche, c’est difficile et solitaire (du coup). Mais est-ce que cela a toujours été le cas ?
En donnant la parole à des femmes qui ont vécu cette expérience, mais aussi à différentes intervenantes (militantes féministes, historiennes, personnel médical…), Mathilde Lemiesle ouvre une voie pour sortir de cette méconnaissance des corps et surtout informer. Pour sortir de l’intime, pour que la fausse couche compte, pour que cesse la honte et la banalisation, elle nous livre un roman graphique remarquable qui se lit comme une enquête sociale. Avec un graphisme pétillant et audacieux, l’autrice renoue avec une approche culturelle, linguistique et politique pour repenser l’intime au fil des époques jusqu’à venir interroger notre société moderne. Un album nécessaire, pédagogique et profondément féministe.
Mon avis …
Avec ce titre, on sait directement de quoi va traiter cet ouvrage, et c’est une très bonne chose. Bien trop souvent évoquée à demi-mots, la fausse couche reste aujourd’hui un grand tabou vécu dans le silence et dans l’intimité des couples. Pourtant, 400 000 ont lieu chaque année, et 1 femme sur 5 en vivra une ou plusieurs dans sa vie. Quand on interroge les femmes autour de soi, on réalise leur fréquence, la souffrance qu’elles engendrent et surtout la solitude dans laquelle elles plongent chacune de celles qui les vivent, alors même qu’elles sont des milliers et qu’ils suffiraient que la parole se libère pour que tout soit vécu différemment.
A travers son vécu et le témoignage de femmes et de soignants, Mathilde Lemiesle nous décrit ce qu’implique la fausse couche, comment elle se déroule en réalité, très loin des images que l’on peut en avoir de « grosses règles ». Et surtout, elle insiste sur l’accompagnement, souvent inexistant, qui s’apparente davantage à de la maltraitance médicale qu’à un vrai soin comme cela serait pourtant attendu. Personne n’est préparé à traverser une fausse couche et la réalité est bien souvent un vrai traumatisme, autant psychologique que physique.
J’ai trouvé cet ouvrage absolument passionnant car réellement engagé et surtout très documenté. L’autrice a remonté les années et les siècles pour tenter de comprendre comment les femmes vivaient cet évènement bien avant la découverte de l’échographie de grossesse, et aussi comment la fausse couche était expliquée médicalement. Que l’on soit concerné ou non par ce sujet, ce livre est vraiment d’utilité publique, car il nous permet de comprendre à quel point ce sujet est politique et combien la société devrait enfin s’en emparer afin de cesser de laisser tant de femmes livrées à elles-mêmes dans un moment si difficile de leur existence. Comme bien souvent, quand cela concerne les femmes, on préfère ne pas trop se pencher sur les questions, quitte à laisser ces dernières face à un vide juridique et médical avec lesquels elles doivent bien coexister.
Ma note : ★★★★★★
(20/20)
