Bakhita a été l’une de mes lectures préférées de la rentrée littéraire, et l’occasion de découvrir également son auteur, Véronique Olmi. J’ai eu la grande chance de pouvoir l’interviewer et je la remercie beaucoup pour le temps qu’elle m’a accordé.
1- Bakhita a eu une vie extraordinaire, et pourtant le grand public ne la connait pas toujours. Comment avez-vous découvert cette femme ? Qu’est-ce qui a déclenché chez vous l’envie de romancer sa vie ? Etait-ce une évidence ?
J’ai découvert l’existence de Bakhita en visitant un été la petite église de Langeais dont elle est la patronne. Son parcours, le fait que cette petite fille ait oublié son nom mais ait gardé sa force d’âme m’a bouleversée, je me suis demandée comment elle était arrivée à se construire, à survivre, à aimer les autres.
2- L’écriture de ce roman a-t-elle nécessité un gros travail de documentation ? A-t-il été difficile d’en faire une héroïne de roman tout en essayant de rester fidèle à sa vie ?
Bien sûr il y a un gros travail de documentation, non seulement sur l’esclavage au Soudan mais également sur l’histoire de l’Italie que je connaissais finalement assez mal. Pour parler de Bakhita sans me mettre à sa place j’ai beaucoup écrit et réécrit, changeant de narrateur, de temps de narration, et finalement aprés bien des réecritures le narrateur extérieur et le temps présent me sont apparus les plus justes pour parler d’elle sans me substituer à elle. Et rendre cette histoire intemporelle. L’esclavage hélas, n’a pas disparu…
3- Quelles libertés avez-vous prises dans l’écriture de ce roman par rapport aux faits purement historiques ?
Les faits historiques relatés sont tous exacts. Pour qu’ils passent tous par le filtre de Bakhita j’ai inventé des situations, ou des personnages, qui incarnent l’histoire ou relaient auprès d’elle l’information historique. Il était impossible que l’Histoire soit posée à côté d’elle. Seul m’intéressait le retentissement de l’histoire en elle.
4- Votre roman est à la fois sublime et magnifique, mais également très difficile, terrible à lire. Vous décrivez la condition d’esclave avec justesse et violence. Ce sont souvent des drames de l’Histoire oubliés, et pourtant aussi très actuels. Etait-ce important pour vous d’insister sur les traitements et la torture subis par les esclaves ?
Je ne pouvais pas essayer de comprendre comment Bakhita avait survécu à l’inhumanité sans parler de cette inhumanité. Mais il n’y a aucune complaisance, et je me suis interdit certains mots concernant les offenses physiques qu’elle a subies. Le choix du langage était important.
5- Bakhita est une femme extraordinaire qui a su, alors même qu’elle avait connu l’horreur, consacrer sa vie à l’autre, aux plus faibles. On ne ressent aucune envie de vengeance ou de colère, seulement une envie de rendre le monde un peu meilleur. Est-ce en cela qu’elle est un exemple pour nous tous ?
Oui, je pense qu’elle est un exemple de résilience et d’ouverture à tout ce que la vie peut, malgré la cruauté et le chaos du monde, nous offrir de beau. Elle savait voir cela. La beauté de l’univers comme celle des êtres.
6- L’écriture de ce roman a-t-elle été particulièrement difficile ? Se mettre dans la peau de Bakhita et de sa vie a dû être éprouvant pour vous. Comment l’avez-vous vécu ?
Je n’aime pas beaucoup parler de la douleur de l’écrivain, cela me paraît toujours assez impudique et pour tout dire mal placé. Je l’ai écrit. Elle l’a vécu. D’autres le vivent encore… J’ai eu la chance de la rencontrer et de me passionner pour elle. C’est beaucoup.
7- Après avoir écrit un tel roman, avez-vous facilement réussi à vous replonger dans l’écriture ? Avez-vous d’autres sujets en tête pour vos prochains romans ?
Chaque chose en son temps…
8- Quels sont les derniers romans que vous avez profondément aimés ?
« Underground railroad » de Colson Whitehead. « Eva dort » de de Francesca Milandri. « Samedi » de Ian Mc Ewan.
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Bakhita est disponible en librairie.
Très intéressant ! Je pense attendre sa sortie poche, mais j’ai hâte de découvrir le destin de Bakhita à mon tour.
Une femme tellement gentille et accessible. Quant à son livre sur Sainte Bakhita que je connaissais bien avant la sortie littéraire, j’ai pu redécouvrir sa douloureuse et extraordinaire vie qui m’a profondément émue grâce à la sublime plume de l’auteur. Merci pour le partage.
Hami
Merci pour cette interview passionnante, qui donne encore plus envie de découvrir le roman !
Je suis en plein dans la lecture de Bakhita et je suis plongée dedans depuis une semaine. Non pas parce que je n’aime pas, au contraire j’en suis bouleversée et cette lecture me marquera très longtemps, mais parce que je suis choquée de la déviance humaine en termes d’esclavage et du parcours incroyable de cette femme.
Merci pour votre article. Selon moi, c’est un grand livre que de nombreuses personnes devraient lire pour découvrir cette merveilleuse personne qu’a été Bakhita, pour savoir ce qu’est réellement l’esclavage, parce qu’ils ne le savent pas. Et aussi parce que l’esclavage existe toujours sous la même forme qu’au XIX siècle. L’écriture de Véronique Olmi est magnifique. J’ai découvert l’écrivaine et je vais lire d’autre livres de cette auteure. Bravo Madame vous êtes une grande Dame, quelle hommage pour Bakhita ! Sans doute rien à voir avec le livre de Ida Zanolini qui avait pour vocation de servir l’Eglise et par ricochet la nation Italienne et malheureusement son chef de l’époque. Ce que Veronique Olmi nous fait découvrir aussi. Bakhita ayant donc été esclave jusqu’à la fin de sa vie. Merci encore.